"La première question naît du contraste entre l'acte de décès du jardin créole, il y a maintenant plus de vingt ans, et l'omniprésence du concept dans le paysage culturel d'aujourd'hui: Parle-t-on vraiment du jardin créole, qui est essentiellement et avant tout une pratique, ou bien d'un cadre abstrait qui sert de fourre-tout passager, en attendant qu'un autre élément du passé vienne prendre sa relève, une fois qu'il aura été usé? C'est bien la base de notre mode de vie: la consommation qui fait qu'on use et qu'on jette les mots comme les “ kleenexs “.
La seconde question découle de la première: le jardin créole qu'on pratique et dont on parle aujourd'hui est-il le même que celui que Mme Aïmana voyait mourir en 1986? L'avons-nous recréé, voire réinventé, ou bien suit-il l'évolution normale de toutes les expressions de la culture créole, ""créole"" renvoyant à une constante évolution en même temps qu'à la conservation de traits archaïques?
Cela conduit à poser une troisième question sur la nature même du jardin créole. De quel jardin créole regrette-t-on la disparition? Du fait que l'on porte naturellement un regard nostalgique vers le passé, on a tendance à l'idéaliser et donc à trahir sa vérité. Ne doit-on pas s'interroger sur la réalité historique d'une création qui s'étend sur plus de trois siècles?
Mais si l'on admet que le jardin créole est le résultat d'une évolution historique, le jardin familial aujourd'hui appelé créole, est-il dans la continuité de la tradition créole ou bien n'est-il déjà plus qu'un bric-à-brac sur lequel on appose un label à la fois identitaire et touristique? La meilleure façon de répondre à ces questions est d’ouvrir une enquête en remontant aux origines des mots et des faits dans tous les domaines qui ont pu être concernés par cette entité. (Vincent Huyghes Belrose., 2010)"